Un article de Libération qui reflète bien malheureusement la terriblement mauvaise image du président de la République Française...
Un chat noir a-t-il pris ses quartiers à l'Elysée ? Ou tout simplement, Jacques Chirac a-t-il définitivement perdu la main ? Un mois après son échec au référendum sur la Constitution européenne, ce nouveau revers enterre un peu plus le chef de l'Etat. Il sonne aussi le glas de la «méthode Chirac» et d'une manière dépassée de faire de la politique. En France comme sur la scène internationale, Jacques Chirac n'est plus dans l'air du temps. Il ne suffit plus d'aller serrer pendant quelques minutes des dizaines de mains de membres du CIO ou de flatter les huiles sportives croisées sur son chemin comme dans un comice agricole, comme il l'a fait hier à Singapour après son discours en distribuant accolades et bons mots. Inefficace aux yeux des Français pour résoudre les problèmes de l'emploi, le président de la République l'est également pour aider Paris à décrocher les Jeux olympiques. Suprême humiliation pour celui qui a placé son quinquennat sous le signe de l'international, les membres du jury sont restés insensibles aux paroles qu'il leur a servies hier sur «le dialogue entre les peuples et entre les cultures». Pour le plus grand bonheur de George Bush et, surtout, de Tony Blair, qui ont accueilli hier leur ami «Jacques le Loser» au G8 de Gleneagles.
«Quelle catastrophe... C'est une humiliation ! Les JO à Madrid ou ailleurs, n'importe où, mais pas à Londres, pas en ce moment!», se lamentait hier un ministre ultrachiraquien à l'annonce du résultat. L'Elysée misait pourtant gros sur l'attribution des JO pour surfer sur cette bonne nouvelle et tenter de rebooster la fin de mandat de Jacques Chirac. C'est raté. «Le 14 Juillet, ce devait être Iter et les JO. C'était ça le rebond escompté. Maintenant il va falloir trouver autre chose, mais quoi, pffouuu...», poursuivait ce même ministre, l'air déconfit. Un conseiller du chef de l'Etat évoquait hier «un climat plus dynamisant» si la France avait gagné les Jeux mais s'attachait d'abord à relativiser l'échec : «Jacques Chirac est attendu sur des questions beaucoup plus importantes que les JO par les Français. C'est un événement sportif et il faut être sportif.» Toujours prompt à se jeter sur le moindre succès français et à coller aux émotions de ses compatriotes, le président de la République avait déjà son sujet tout trouvé pour sa traditionnelle intervention télévisée du 14 Juillet. Patatras, il devra dénicher autre chose et se rabattre sur Iter, ce projet international de réacteur de fusion nucléaire dont la France a obtenu, fin juin, la construction sur son sol au détriment du Japon. Peu de chose au regard de l'impact psychologique sur le pays d'une victoire olympique.
Au plus bas dans les sondages en 1998, le chef de l'Etat s'était émerveillé de sa spectaculaire remontée après la victoire des Bleus à la Coupe du monde. Avec les JO, il espérait à nouveau se refaire une santé à peu de frais avant l'été. Un sondage Ifop publié dans Paris Match cette semaine avait commencé à lui redonner le moral : pour la première fois depuis le référendum, il progresse de 7 points avec 35 % des Français approuvant son action. L'embellie pourrait être de courte durée pour celui qui aimait à se présenter en super-VRP de «l'entreprise France» et se posait en champion de la lutte contre «le pessimisme ambiant». C'est à un pays plutôt déprimé et qui aura encore un peu moins confiance en lui qu'il va s'adresser la semaine prochaine. Il aura toutes les peines à être crédible pour expliquer que tout ne va pas si mal et que «le chômage ne progresse plus depuis deux mois», comme le dit un de ses proches.
En mal de sujets consensuels et fédérateurs pour essayer de ressouder les Français autour de sa personne, Jacques Chirac est resté le plus discret possible depuis le 29 mai en dehors de ses rendez-vous internationaux. Un début d'hibernation qui pourrait bien durer jusqu'à la présidentielle de 2007.